|
La Pollution Lumineuse et l'Observatoire de Haute Provence
|
La pollution lumineuse
Jamais lastronomie na autant fait rêver quen
cette fin de siècle. Jamais cette science na été aussi proche
des grandes questions que lhomme se pose depuis toujours.
Dextraordinaires paysages nous parviennent des planètes
du système solaire, de fabuleuses images révèlent des galaxies dans
leur prime jeunesse aux confins de lunivers, des planètes nouvelles
apparaissent autour de lointains soleils ouvrant la voie exaltante de la quête
des mondes extra-solaires et de la recherche de la vie extraterrestre.
Il est paradoxal de constater que dans le même temps,
lhomme, en séclairant la nuit de façon irréfléchie,
se prive progressivement du spectacle à la fois simple et grandiose dun
ciel noir constellé détoiles. Léclairage artificiel,
petit à petit, efface à sa vue la magie du ciel nocturne.
Parce que les villes, les villages, les voies de communication
sont éclairées de façon excessive et irrationnelle, une véritable
pollution lumineuse sétend sur toute la planète. Si elle prive les
hommes du contact direct quil a toujours eu avec son environnement cosmique,
elle perturbe aussi, gravement, la faune nocturne (oiseaux, insectes) quand elle ne
la massacre pas. Elle engendre enfin une gêne parfois rédhibitoire pour
la pratique de lobservation astronomique. On nobserve plus depuis longtemps
au cur des villes. Dans les sites isolés, la nuisance existe aussi,
plus ou moins forte.
LObservatoire de Haute-Provence a été en 1995
le théâtre de la découverte de la première planète
extra-solaire, une planète détectée autour dune étoile
semblable à notre soleil, située à 42 années lumière
de celui-ci. Cette grande première mondiale, les découvertes de planètes
extra-solaires qui lont suivie, et bien dautres études astrophysiques
de pointe, si elles attestent de la compétitivité des équipements
de cet observatoire, attestent aussi de la qualité du site où il est
implanté. Mais le site de Saint Michel, toujours remarquable par le nombre
de nuits claires quil offre dans une année, néchappe pas
toutefois aux effets nocifs de la pollution lumineuse. Les halos lumineux des villes
et des villages augmentent dans le ciel, en étendue et en intensité.
Les astronomes saccommodent encore de cette gêne aujourdhui.
Dût-elle saccroître démesurément, elle risquerait
dentraver à terme toute activité dobservation à
Saint-Michel jusquà la condamner.
A lObservatoire de Haute-Provence, comme dans les
grands observatoires du monde, couramment les télescopes sont braqués
vers des astres des millions de fois moins lumineux que les plus faibles étoiles
visibles à lil nu et des milliards de fois moins brillants que les
lampadaires des rues de nos villages. Dans bien des cas, les observations ne peuvent
être faites quen période de nouvelle lune (cest-à-dire
lorsque la lune est absente), afin davoir un ciel le plus noir possible.
Depuis toujours la municipalité de Saint-Michel et
celles des communes voisines sont conscientes de la nécessité de ne pas
perturber lactivité de lobservatoire par des éclairages parasites.
Force est de constater toutefois, quau fil des ans, ces communes nont pas
échappé à la règle générale dun
accroissement en nombre et en intensité des sources lumineuses, publiques et
privées.
Un regain de vigilance à cet égard semble simposer.
La pollution lumineuse se distingue des autres types de
pollution en cela quelle est instantanément réversible.
Il est clair quil nest pas de lintention des astronomes de vouloir
plonger leurs semblables dans les ténèbres naturelles qui leur sont
nécessaires pour percer les secrets de lunivers. Il ne demandent pas
la suppression de tout éclairage public et privé ! Leurs exigences
simples se marient harmonieusement avec celles de la vie moderne et la mise en uvre
de leurs recommandations ne porte préjudice ni à la sécurité
ni au confort des habitants des villes, des villages et des campagnes, mais peut avoir
des conséquences bénéfiques dans des domaines variés comme
les économies dénergie, la préservation de la faune nocturne
et le développement touristique.
|
Recommandations pour
limiter la pollution lumineuse
(Ces recommandations sappliquent
autant aux éclairages publics que privés.)
Recommandation principale:
Ne pas éclairer le ciel directement
et éviter toute diffusion de lumière vers le haut
Pour cela :
- munir toutes les sources lumineuses dabat-jour renvoyant la lumière
vers le bas
- sabstenir déclairer façades, monuments, paysages
- éclairer murs et panneaux (qui doivent absolument lêtre)
du haut vers le bas et non pas du bas
vers le haut.
Autres recommandations
- Utiliser la bonne quantité
de lumière
- Ajuster la puissance des lampes et par là-même la valeur
de léclairement résultant en fonction des réels
besoins.
- Utiliser des systèmes de contrôle (minuterie, gradateurs,
déclencheurs automatiques) qui ne fourniront de la lumière
que lorsquelle est nécessaire.
- Eviter déclairer des lieux qui nont vraiment pas
besoin de lêtre.
- Eviter les sols réfléchissants
- Utiliser chaque fois que cela est possible pour les sols
éclairés un revêtement sombre et non réfléchissant.
- Utiliser des lampes peu polluantes
- Préférer à toutes autres, les lampes au
sodium basse pression
qui sont quasiment monochromatiques et nengendrent des signaux
parasites pour les spectres astronomiques que sur deux fréquences
bien définies.
- Eviter lusage de lampes à vapeur de sodium haute pression
ou vapeur de mercure haute pression qui, par leurs émissions
monochromatiques superposées à un fond continu, polluent toutes
les fréquences du spectre visible dune façon complexe et
impossible à corriger.
|
Conséquences de ces recommandations
|
Economies dénergie
Lusage de lampadaires
bien adaptés entraînera des économies évidentes.
Pour la plupart des lampadaires actuels, 30 à 50 % de la lumière
est totalement perdue car elle va vers le ciel !
Diminuer dans beaucoup de cas la puissance des lampes et réguler
leur fonctionnement par des systèmes de contrôle appropriés
ira dans le même sens. Il nest pas nécessaire par
exemple de laisser toutes les lumières allumées en dehors
des heures douverture des commerces. La deuxième moitié
de la nuit peut être plus noire que la première sans compromettre
la qualité de la vie !
Enfin, les lampes à vapeur de sodium basse pression qui sont
les moins polluantes du point de vue spectral, sont aussi (car possédant
le meilleur rendement énergétique) les plus économiques. |
|
Confort et sécurité
Un éclairement
raisonnable en intensité et uniforme en répartition spatiale
sera en accord avec les propriétés physiologiques de lil
humain et évitera les effets néfastes de
léblouissement.
La mauvaise conception des lampadaires et leur mauvaise disposition dirigent
trop souvent de la lumière dans les yeux des passants ou des automobilistes.
Le bafflage adéquat (très simple à réaliser) des
sources de lumière contribue à luniformité de
léclairement au sol en évitant que les usagers ne voient
directement la source. |
|
Préservation de la faune nocturne
La faune nocturne est par essence destinée à vivre dans
lobscurité. La maîtrise de léclairage
nocturne engendrera pour elle moins de perturbations. Elle sauvera même
des quantités dinsectes, dont certaines espèces rares
de papillons de nuit présentes dans notre région. |
|
Préserver les conditions
dobservation astronomique
La mise en uvre de ces recommandations concourra à
diminuer considérablement la luminance du ciel nocturne dorigine
artificielle. Elle garantira la pérennité de bonnes conditions
dobservation aux astronomes français et étrangers qui
viennent en mission à lObservatoire de Haute-Provence, ainsi
quaux visiteurs du Centre dAstronomie de Saint-Michel. |
|
Préserver lenvironnement
et la fréquentation touristique
Sauver la nuit, cest aussi préserver lenvironnement.
La richesse dun ciel noir constellé détoiles
(" lestelan " comme on lappelle en Provence)
fait partie du patrimoine régional. En gommant du ciel les étoiles
par un éclairage inconsidéré, le département des
Alpes de Haute-Provence se priverait dun atout touristique majeur.
Les visiteurs viennent en effet sur son territoire, non seulement pour le
soleil mais aussi pour lémotion que leur donne le spectacle
grandiose de la voûte étoilée. Pour beaucoup, habitants
des villes du Nord, ils découvrent avec émerveillement
létendue majestueuse de la Voie Lactée et le scintillement
magique des étoiles dont ils avaient peut-être rêvé
en lisant Pierre Magnan, Jean Giono ou Frédéric Mistral.
Le Centre dAstronomie de Saint-Michel na-t-il pas été
conçu pour répondre à cette attente ?
|
Evolution de la pollution lumineuse à lObservatoire
de Haute-Provence
Reproduites sur les deux pages suivantes, deux séries de
photos noir et blanc, prises en 1981, 1983 et 1985 montrent laugmentation du halo
lumineux visible de nuit
depuis lobservatoire, vers lest et vers le sud.
Cette surveillance photographique a été interrompue
et reprise récemment. Les photos couleur prises en 1997 couvrent à peu
près les mêmes champs que les photos noir et blanc. Elles ne sont pas
quantitativement raccordables à celles-ci mais montrent, avec plus de détail,
la distribution et lintensité des lumières parasites dues à
léclairage artificiel.
|
|
Horizon Sud vu depuis lOHP (direction St Michel, Manosque, Pierrevert)
Photo 1 : vue de jour
Photos 2,
3,
4
et 5 : vue de nuit du
même champ respectivement en 1981, 1983, 1985 et 1997. |
|
Horizon Est vu depuis lOHP (direction Forcalquier, Mane, Les Mées)
Photo 1 : vue de jour
Photos 2,
3,
4
et 5 : vue de nuit du
même champ respectivement en 1981, 1983, 1985 et 1997. |
Mauvais et Bons lampadaires
|
Les lampadaires schématisés à gauche
sont de loin les plus pollueurs et engendrent le maximum de gaspillage.
La lumière perdue éclaire le ciel.
Rediffusée par les particules atmosphériques, cette lumière
crée dans le ciel un voile général lumineux qui empêche
de voir les étoiles.
Ceux à droite, avec des ampoules protégées sont recommandés.
(source : ANPCN) |
Eclairage public
Ces lampadaires n'envoient pas de lumiere vers le ciel,
et ne genent pas les usagers |
(C)ANPCN
|
Le plus efficace. Quand l'ampoule est bien cachée par le réflecteur et que
la vasque (partie transparente) n'est pas proeminente, toute la lumière est
rabattue sous l'horizontale. De loin, la source de lumière n'est visible
d'aucune direction.
|
Une solution
Cette solution, illustrée ci-dessous à droite, serait
d'adapter aux lampadaires existants des capuchons
réflecteurs empêchant ainsi à la lumière d'être envoyée inutilement
vers le ciel.
|
|
|
|
Jean-Pierre SIVAN
Saint Michel, le 1 Mars 2002
Dernière mise à jour : 03 juillet 2009
|