Lettre de l'OHP - NO.14

Rotation du disque extérieur à l'aide des céphéides

F. Pont, D. Queloz, M. Mayor et P. Bratschi
Observatoire de Genève

Le rôle des céphéides comme calibrateurs de distances extragalactiques est bien connu. Comme population jeune, brillante et facilement identifiable, elles sont aussi des indicateurs idéaux de la cinématique à grande échelle de notre Galaxie. Les céphéides ont été utilisées à plusieurs reprises pour contraindre la cinématique locale du disque, mais l'échantillon actuel des céphéides mesurées en vitesse radiale ne porte pas au-delà d'un rayon galactocentrique de R ~ 11 kpc, correspondant à une limite en magnitude de V < 12. La rotation du disque extérieur de la Galaxie a jusqu'à présent été étudiée principalement à l'aide des régions HII, dont les résultats sont ambigus et esquissent une croissance à R>12 kpc difficile à interpréter. En outre, les distances des régions HII sont malaisées à déterminer, à cause notamment des effets possibles de la déficience en métaux dans les régions extérieures. Grâce à la capacité d'extraire, par corrélation numérique, la vitesse radiale de spectres à très bas rapport signal-sur-bruit (S/N ~ 1-2), Elodie nous a permis de repousser la limite en magnitude de la détermination de vitesse des céphéides faibles de V=12 à V=15 mag. Lors de la mission de mars 1994, nous avons mesuré ainsi une vingtaine d'objets bien placés pour l'étude de la courbe de rotation de la Galaxie entre R=11 et R=16 kpc. Ces données fournissent des points fiables et peu dispersés sur la courbe de rotation du disque extérieur (figure).

Figure 1. Courbe de rotation des régions extérieures du disque de la Galaxie déterminée à l'aide des céphéides. Les cercles pleins sont les points antérieurs à notre étude. Les symboles accompagnés de barres d'erreurs sont nos résultats.

Afin de connaître la vitesse radiale des céphéides mesurées, il faut également pouvoir déterminer leur distance avec précision. Ces étoiles obéissent aux relations période-luminosité et période-luminosité-couleur, mais la combinaison d'une forte absorption et d'une possible déficience en métaux dans les régions extérieures du disque demande une considération détaillée de l'effet de la métallicité sur la détermination des distances. La technique de corrélation numérique nous a permis d'obtenir, par la surface du pic de corrélation, une estimation du contenu en métaux des objets mesurés, dont la spectroscopie nécessaire à l'étude individuelle des raies métalliques est hors de portée. La surface du pic de corrélation reflète en effet la somme de la surface de toutes les raies qui entrent dans la composition du masque numérique, et est donc une fonction directe de la température et de la métallicité. Nous cherchons actuellement à rassembler des mesures de référence pour calibrer cette dépendance de la surface afin d'obtenir une relation "Surface du pic-Métallicité" pour les céphéides. Cette tâche a débuté lors des deux demi-missions de l'hiver 1994-5, mais le mauvais temps nous a empêché de la mener à terme. Des réductions préliminaires montrent que la déficience en métaux des céphéides du disque extérieur par rapport à celles du voisinage solaire apparaît très clairement, même si le manque de spectres de référence nous empêche pour le moment de donner des valeurs absolues de métallicité. Une fois la relation calibrée, nous aurons une estimation individuelle de métallicité pour chacune des céphéides mesurées, avec deux applications en vue :

-- l'étude du gradient chimique du disque.
-- l'étude des corrections de couleur et de magnitude à apporter pour les céphéides déficientes.