Introduction
J'ai bénéficié d'une mission sur Elodie du
24 au 30 mai 1994. Cette mission a permis de se rendre compte d'un certain
nombre de possibilités offertes par cet instrument en sus de sa vocation
principale qui est la mesure des vitesses radiales. Nous avons rencontré
certains problèmes "de jeunesse" que nous ne relatons pas ici, les
problèmes rencontrés ayant peu de chance d'être
rencontrés à nouveau.
Les points que nous relatons ci-après concernent (i) la mesure de
largeur équivalente sur les spectres en longueur d'onde (ii) le projet
de réaliser un logiciel d'intérêt général
pour extraire, pas en temps réel mais dans l'après-midi suivant
l'observation d'autres paramètres que la vitesse radiale, notamment la
température effective, la gravité et la métallicité
des étoiles observées (iii) la magnitude limite d'Elodie
pour des analyses détaillées de la composition chimique.
Mesure des largeurs équivalentes
Nous avons pu, avec Monique Spite, mesurer l'abondance du lithium dans
deux étoiles binaires serrées prises au cours de cette mission.
Il importait de savoir si les largeurs équivalentes mesurées
à partir des spectres d'Elodie (spectres "s2dr" en longueur
d'onde et redressés par division par les spectres correspondants de la
lampe à tungstène) avaient des écarts systématiques
par rapport à des mesures prises avec d'autres instruments
éprouvés. La réponse est que les largeurs
équivalentes de raies du spectre de la Lune ou la largeur
équivalente de la raie du lithium de la sous-naine bien connue HD140283
ne présentent aucun écart alarmant avec les données
antérieures. Des résultats plus détaillés seront
donnés ultérieurement. Des différences de quelques
pour-cent existent toujours d'instrument à instrument, ne serait-ce que
parce que la quantité de lumière diffusée dans chaque
spectrographe est différente. Donc on peut utiliser Elodie pour
des analyses détaillées et des études de composition
chimique.
Projet de logiciel d'intérêt général
Avec nos collègues de Genève nous avons
décidé de consacrer une part substantielle de nos
premières missions à la constitution d'une bibliothèque de
spectres d'étoiles de référence, dont on connaît en
particulier les paramètres fondamentaux, température effective,
gravité et métallicité. L'idée est qu'une telle
bibliothèque étant constituée, par comparaison rapide et
"intelligente" du spectre d'une étoile quelconque observée avec
Elodie avec les spectres de cette bibliothèque, on arrivera
à une estimation des paramètres de l'étoile. Le
problème est moins simple que formulé ainsi, car on ne peut pas
comparer correctement deux spectres sans avoir corrigé beaucoup d'effets
(rayons cosmiques à des endroits différents sur les deux
spectres, modulation différente par les ordres de l'échelle
à cause de la différence de vitesse radiale, pente
résiduelle du continu à l'intérieur d'un barreau, mise
à la même échelle des ordonnées des deux spectres,
etc...). Mais le travail, mené en collaboration avec Caroline Soubiran,
vaut l'effort, et a déjà été proposé
à des stagiaires. La fig. 1 montre le spectre de la sous-naine Giclas
20-8, prise au cours de cette mission et montrant un impressionnant
décalage vers le bleu de la raie H[alpha] (-398 km/s).
Magnitude limite pour les études de composition chimique
Nous avons cherché à observer deux étoiles
très déficientes en métaux, dont l'une découverte
à l'OHP au cours d'un autre programme conduit avec CARELEC.
L'une de ces étoiles avait une magnitude V = 10.8 et l'autre 11.7. Nous
avons obtenu sur la première un rapport S/B de 60 en deux heures de pose
et sur la seconde un rapport S/B de 28 en une heure de pose. Ces deux nombres
sont cohérents (au seeing et à la transparence près) et
montrent qu'avec des poses multiples on peut encore arriver à un rapport
S/B de 100 à la magnitude 11, avec des conditions favorables. Ces
chiffres sont en accord avec la courbe en pointillé (très bonnes
conditions) donnée par l'OHP. Cela représente un facteur 60 de
perte entre le nombre d'évènements détectés et le
nombre de photons incidents hors atmosphère terrestre, dans un faisceau
ayant le diamètre du miroir primaire du télescope.
Conclusions
Elodie présente d'importantes possibilités pour des
travaux de spectroscopie quantitative, avec un intervalle spectral de plus de
2000 Å accessible en une seule pose, jusqu'à la magnitude V =
11.
Figure 1. La raie H[alpha] dans le spectre de la sous-naine G20-8. La raie au repos est à 6562.8 Å et se retrouve à 6554 Å à cause de la vitesse radiale de -398 km/s de l'étoile.