Rénovation de la barrette TH7832
du spectromètre AURELIE

Michel Goillandeau & Christian Guillaume

Service d'Electronique, Observatoire de Haute-Provence
goillandeau, guillaume @obs-hp.fr


Depuis plusieurs années, nous avons étudié la possibilité de remplacer la barrette Thomson par un chip CCD de grande taille. Il s'est avéré qu'aucun récepteur adapté aux performances d'Aurélie (résolution, hauteur et longueur du spectre, rendement quantique) ne pouvait être disponible à court terme. Nous avons donc décidé de rénover la caméra existante. Depuis le 1er Mars 1996, une nouvelle version est en service, en attendant la future matrice EEV 2Kx1K en projet (pixel de 13.5µ) dont les spécifications semblent prometteuses.

Notre effort s'est porté sur trois points essentiels.

  1. Amélioration du refroidissement.
  2. Refonte de l'électronique analogique.
  3. Stabilisation du niveau des offsets.

1.Rappel des caractéristiques de la barrette TH7832

Développé par Thomson avec l'aide du Ministère de la recherche et de la technologie, ce capteur est constitué de deux lignes de 2048 photodiodes (très bonne réponse spectrale dans le bleu) de 750µx13µ. Chaque ligne est lue par deux Registres à Transfert de Charge latéraux. Les pixels pairs et impairs parcourent donc une chaîne analogique différente. De plus, un système d'injection de charges dans les photodiodes permet d'améliorer le transfert entre celles-ci et les registres CCD. Malheureusement, ce composant est entaché de trois défauts majeurs:

Notre étude a permis de pallier les deux premiers défauts.

2.Modifications de l'environnement du récepteur:

2.1 Le support :

Il est différent de celui du premier montage en ce sens que:

2.2 Le récepteur :

Les problèmes dûs à l'échauffement mentionnés plus haut nous ont amenés à optimiser le refroidissement du récepteur. Ce qui représentait une sérieuse difficulté à cause du défaut de planéité de la céramique; il fallait garantir à très basse température un excellent contact thermique entre le support et la face interne du récepteur.

Forts de l'expérience acquise lors de la réalisation des têtes des caméras de Vision-Mars (sur lesquelles les chips récepteurs sont directement collés sur de petites platines en titane), nous avons opté pour cette solution. L'avantage du collage est que le produit épouse parfaitement les irrégularités de la surface de la céramique. Les inconvénients sont nombreux : démontage impossible, sérieux risque de dégazage de la colle, vieillissement de la colle, problèmes de fluage et pelage dûs aux différences sensibles entre les coefficients de dilatation linéaire des matériaux au niveau des interfaces colle/cuivre et colle/céramique.

Après un grand nombre d'essais, nous avons choisi d'utiliser la résine époxide thermo-conductrice E.708 d'Epotecny, dont la réticulation ( polymérisation ) démarre à température ambiante. Cette résine bi-composant sans solvant est chargée d'alumine et sa réaction éxothermique reste modérée. Bien que cela représente un inconvénient majeur pendant la phase de collage, (débordements à éviter sous peine d'enrober les pattes du chip, coulures vers les bords extérieurs du support, etc...), la grande fluidité de cette résine lui permet de bien épouser les "aspérités" de la céramique.

Elle présente également un excellent coefficient de conductibilité thermique même à basse température, dégaze peu moyennant les précautions d'usage au moment de son élaboration. De plus, elle conserve un coefficient de dilatation linéaire encore correct à très basse température pourvu qu'on modifie le dosage durcisseur/résine.

2.3 La carte électronique :

Classique en verre époxy FR4, circuit double face avec plans de masse, cuivre étamé à chaud, et sans vernis pour éviter tout phénomène de dégazage. La masse électrique est reliée au support par une des vis de fixation. Sur la carte, nous avons limité les composants électroniques au strict nécessaire, pour éviter le dégazage et l'apport de calories.

2.4 Les pré-amplis :

Du même type que ceux développés par notre service il y a quelques années pour les matrices TK512 et le Thomson rectangulaire, et qui donnent d'excellents résultats tant au point de vue bande passante que bruit. Ils sont placés à l'extérieur, fixés sur la traversée étanche et ont simplement été modifiés afin de les adapter à l'amplitude des signaux issus des barrettes.

2.5 Le driver :

Le driver a été remplacé par celui des caméras TK512 qui a fait preuve d'une très grande stabilité et fiabilité depuis plus de cinq ans.

2.6 Le cryostat :

Bien qu'il soit plus petit que celui du montage précédent, son autonomie a été largement augmentée en perçant la paroi de séparation bidon/tête de six trous lisses de diamètre 4mm. Il est par conséquent devenu un cryostat à pompage unique. Cette modification a permis de bénéficier grandement de l'effet de pompage que procure la zéolithe contenue dans le bidon, et minimise l'influence des dégazages éventuels des pièces de la tête.

2.7 Régulateur de température.

Notre choix s'est porté sur le modèle 900 d' Eurotherm Controls. Nous avons étudié un dispositif qui permet de freiner la descente de température lors de la mise en froid pour éviter le décollement du composant. De plus, un buzzer retentit quand la température du capteur s'écarte de +/-2°K autour de la consigne. La température de fonctionnement est maintenant de 163°K.

3. L`instabilité des offsets

Nous l'avons vu, deux phénomènes intervenaient: L'un à court terme (sensibilité d'une tension de polarisation au bruit électronique), l'autre à long terme (fluctuation de l'injection de charges en fonction des variations de la température).

En revanche, il est possible de compenser ce phénomène en continuant de lire des pixels non physiques à la suite des pixels photosensibles. Maintenant, on lit 2048 pixels supplémentaires sur chaque voie. Leur valeur moyenne peut alors être retranchée de l'image. Cette mesure sera disponible dans un premier temps dans l'entête FITS de chaque pose (Mot clef:PNPM) et pourra être utilisée après vérification de sa validité grâce à son sigma (Mot clef:PNPE) (fig 1,2,3 ).

Le gain apporté est de l'ordre d'un facteur dix par rapport à l'ancienne caméra, 0.5 ADU rms au lieu de 5 ADU.


Fig 1: Série de 500 offsets, valeur moyenne des pixels physiques.


Fig 2: Valeur moyenne des pixels non physiques.


Fig 3: Différence de la valeur moyenne des pixels physiques
et des pixels non physiques


4. Profondeur des puits

. La conversion analogique numérique est effectuée sur 15 bits, la saturation digitale est donc à 32768 ADU . Nous avons ajusté le gain de la chaîne analogique pour que la saturation numérique intervienne juste avant le débordement des puits de potentiel des photodiodes. Le gain est maintenant de 37.0 e-/ADU et la profondeur des puits 1,212x106e- (fig 4 ).


Fig 4: Gain


5. Bruit

Le bruit est de 255 e- rms avec des harmoniques inferieures à 26 e- , nous sommes parvenus à la valeur théorique pour ce type de composant.

6. Courant d'obscurité

En laboratoire, nous avons réalisé un série de 11 poses dont le temps d'intégration a été incrémenté de 15 mn. La mesure du courant d'obscurité n'est pas quantifiable, il est infèrieur à la fluctuation des offsets.

7. Linéarité

Les modifications n'ont pas affecté la linéarité qui reste excellente, c'est à dire que l'erreur est infèrieure à 0.001% de la pleine échelle (fig 5,6 ).


Fig 5: Linéarité


Fig 6 : Résidu par rapport à la droite.


8. Conclusion

Les améliorations des performances de cette caméra devraient permettre aux utilisateurs d'Aurélie d'accroître trés sensiblement la qualité de leurs observations.

L'étude d'une caméra basée sur une matrice CCD (EEV 2Kx1K pixel 13.5µ) est en cours. Compte tenu des performances annoncées par le fabriquant et de notre expérience on peut raisonnablement espérer un bruit infèrieur à 3e- sans dégradation de la réponse spectrale.


31 Mars 1996


Guide Pratique
OHP Home Page