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TELESCOPES DE CLASSE MOYENNE

Document de travail
préparatoire à la réunion de prospective d'Arcachon

Michel Dennefeld

Mars 1998


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INTRODUCTION

Ce document de travail, concernant les télescopes de taille "moyenne" (pris ici, au sens large, entre environ 1m et 3m de diamètre), a été demandé par l'INSU en prolongement du travail effectué par le groupe specialisé "Moyens Nationaux" animé par F. Barlier, pour effectuer une synthèse sur ces télescopes optique et IR. Le mandat demande en particulier de préciser : La direction du SDU avait demandé aux divers laboratoires de la discipline, dans le questionnaire de prospective rendu fin 1996, de préciser leur interêt pour ces moyens. Ces éléments, bien qu'en général peu précis, ont été pris en compte dans le présent rapport. Afin d'obtenir une vue plus claire des besoins par "sous-discipline", la même question a été posée fin 1997 aux divers GdR et Programmes Nationaux. Le travail de la section 14 sur "les thématiques de l'astronomie" a été utilisé largement. De nombreux commentaires individuels, en particulier des utilisateurs de l'OHP, ont également été reçus. Enfin, les données "internationales" proviennent de discussions avec des collègues étrangers, en particulier à travers l'European Astronomical Society, et d'une compilation des moyens d'observation institutionnellement accessibles aux Européens. Ce travail, mené avec peu de moyens, est nécessairement limité, et ne saurait être comparé à d'autres rapports antérieurs, menés par des groupes plus étoffés d'experts. Il ne prétend donc pas dégager de solutions péremptoires, mais plutôt avancer des éléments concrets, pouvant servir de base de discussions pour une évaluation objective et prospective. Quelques suggestions sont néanmoins présentées en conclusion. Des rapports d'étape ont été présentés et discutés à la Commission Spécialisée Astronomie.


PERFORMANCES ET PROPRIETES

Pour un télescope de 2m (par ex.), les magnitudes limites sont plus brillantes que le fond de ciel noir en spectroscopie visible, et plus faibles en imagerie à bande large. Les relations liant la magnitude atteinte, le rapport Signal/Bruit (S/B) et le temps de pose sont donc différentes dans les deux cas. En imagerie profonde, avec les bruits de lecture des CCD actuels (typiquement 10 électrons r.m.s.), le facteur limitatif est la précision obtenue sur le fond de ciel. Le temps de pose nécessaire pour atteindre un flux limite avec un rapport S/B donné est alors :

t (1/F)(S/B)(/D)

t est le temps de pose en secondes, F l'éclairement de l'objet étudié, la taille image angulaire et D le diamètre du télescope. La qualité d'image entre alors en ligne de compte avec le même poids que le diamètre du télescope. On peut typiquement atteindre une magnitude 23 (ponctuelle) en 10mn de pose avec un rapport S/B confortable.

Pour la spectroscopie, la bande passante (c.à.d. en fait la résolution spectrale) détermine le facteur limitatif (entre fond de ciel, bruit de lecture ou statistique des photons-objet). En pratique, pour un 2 mètres équipé d'un CCD moderne, on peut montrer facilement que c'est toujours le bruit de Poisson sur l'objet qui est le facteur limitatif. Il n'en serait évidemment pas de même avec un télescope plus grand où les objets étudiés peuvent être plus faibles que le fond de ciel! La relation devient alors :

t (1/F)(S/B)2 (R/D2)

R est la résolution spectrale (à noter que cette relation change pour un télescope plus grand, où les objets étudiés peuvent être plus faibles que le fond de ciel, ou dans l'IR proche où le fond de ciel devient plus important, et devient similaire à la relation donnée plus haut pour l'imagerie). On constate ici, dans le visible, que la taille angulaire de l'image atmosphérique n'intervient pas explicitement. Mais l'hypothèse est faite que le spectrographe est adapté, c.à.d. que la largeur de la fente d'entrée est adaptée au "seeing" local, et détermine également la résolution spectrale. En pratique, cette condition est d'autant plus difficile à realiser que la résolution spectrale souhaitée est plus grande et le seeing plus mauvais et devient alors un facteur limitatif aux performances ultimes obtenues.

D'autres liaisons télescope--spectrographe peuvent s'avérer être mieux adaptées, comme l'utilisation de découpeurs d'images, mais au prix d'une perte supplémentaire de transmission. Si donc, au premier ordre, la valeur du seeing moyen est moins cruciale pour les performances d'un spectrographe, s'il est conçu pour le site, la dispersion des valeurs du seeing est plus gènante, puisque l'adaptation sera d'autant plus mauvaise qu'on s'éloignera davantage de la valeur moyenne. Les performances atteignables avec un télescope de 2m se situent, avec un rapport S/B de 5, autour de la magnitude (ponctuelle) 19 en une heure à la resolution spectrale de 500, et de 14-15 à la résolution de 50000, selon la transparence du système.

Il faut enfin noter que les progrès techniques sur les détecteurs proche-IR (IR non thermique, jusqu'à environ 2.5 microns) conduisent à des techniques d'observation très similaires à celles du visible et qu'il n'y a plus lieu de faire de distinctions entre ces deux domaines, ni du point de vue des observations, ni du point de vue des qualités requises des sites utilisés. Les magnitudes limites correspondantes sont plus brillantes d'environ 2 magnitudes en général (prédominance du fond de ciel). Les conditions d'observation en IR thermique sont évidemment complètement différentes!

Les ordres de grandeur mentionnés ci-dessus sont nécessaires pour déterminer les programmes scientifiques faisables sur des télescopes de cette taille. Il convient, en plus, de rappeler certains avantages potentiels de ces télescopes : facilités "grand champ", taille des instruments (et donc coût) réduits. Si la pression sur ces télescopes est moindre, cela doit également permettre d'y mener des programmes gourmands en temps d'observation : études de variabilités, grands échantillons pour des études statistiques, suivi des observations spatiales. Une telle disponibilité suppose évidemment une bonne coordination et répartition des différents programmes entre les télescopes de différente taille. Il me paraît donc fondamental de discuter conjointement les orientations des télescopes de taille "moyenne" et celles des télescopes de la classe 4m. Nous y reviendrons plus loin.

Enfin, à condition d'être equipés d'instruments modernes, ces télescopes, si leur disponibilité est suffisante, ont à jouer un rôle éducatif important. Ce rôle devient d'autant plus crucial que les instruments sur les grands télescopes modernes sont de plus en plus complexes, conçus par des spécialistes et utilisés en mode "presse-bouton": leur propriétés échappent donc souvent à l'observateur moyen. Enfin, la possibilité d'apprendre au télescope directement lors de l'exécution de ses propres programmes scientifiques va s'estomper avec la montée des observations en mode "service", fortement recommandée pour le VLT.


EXEMPLES DE PROGRAMMES

De nombreux programmes "individuels" ont été proposés. Je ne détaillerai pas ici les arguments scientifiques, bien présentés dans le travail de la Section 14. Ils montrent l'intérêt des télescopes de cette taille et les membres de la communauté prêts à s'y investir (il s'agit bien de programmes proposés, et non de programmes "possibles"). J'insisterai cependant sur l'un ou l'autre élément plus nouveau.

Il est fréquemment fait mention des "avantages" des télescopes de taille moyenne, en premier lieu desquels figure la possibilité d'obtenir de longues périodes d'observation impossibles à obtenir sur de plus grands télescopes. De tels programmes de longue haleine ont été présentés, autour d'équipes restructurées, ou fédérées par les GdR ou PN, et comportant une fraction notable de membres jeunes.

J'en donne quelques exemples ci-dessous, regroupés en fonction de la résolution spectrale souhaitée, dans la mesure où les instruments et les télescopes sont de plus en plus spécialisés.


R 100000


R 10000
R 1000
R 10 (imagerie et photométrie)}

Une majorité des programmes ci-dessus a également besoin d'imagerie (en particulier photométrie des galaxies, programmes de variabilité, suivi des relevés IR, des relevés spatiaux). En plus :


COMMENTAIRES GENERAUX

Les programmes proposés couvrent quasiment l'ensemble des thématiques de la section 14, des GdR et Programmes Nationaux (à l'exception notable du PNC qui ne met pas ces instruments en première priorité). On constate, en plus des programmes classiques sur ces télescopes, l'émergence de programmes de longue haleine demandant de grandes quantités de temps d'observation. Ceci s'explique en partie par l'évolution des thématiques scientifiques, mais aussi par les progrès réalisés dans le traitement de masse des données, et le regroupement de scientifiques dispersés dans plusieurs laboratoires (en partie grâce aux GdR et PN).

Sont particulièrement marquants la montée d'une forte pression stellaire et exo-planétaire, et un renouveau du MIS et de l'extragalactique proche, qui peuvent se caractériser par des demandes d'observation de grands échantillons et/ou sur de grandes périodes de temps (variabilité). Une forte demande de bonne couverture en longitude apparait également.

L'idée, pour certains de ces programmes, n'est pas toujours nouvelle, mais commence à s'imposer parce que, d'une part, les progrès réalisés sur les détecteurs et sur les intruments rendent maintenant ces télescopes très compétitifs, et d'autre part parce que l'opinion se répand qu'avec la montée des très grands instruments, la pression sur les plus petits va s'atténuer. Ceci n'est évidemment vrai que si d'une part, les télescopes de la classe supérieure (4m) sont disponibles, et si une éventuelle diminution initiale de pression est d'abord utilisée pour redistribuer les programmes avant de réduire les moyens! Même une partie seulement des programmes proposés est capable à elle seule de saturer plusieurs télescopes de taille moyenne sur plusieurs années. Pour ces programmes de longue haleine, un accès facile et la possibilité d'un service d'observation sont souvent mentionnés comme un aspect positif important.

Des inquiétudes s'expriment donc par ailleurs sur l'avenir du CFHT, en particulier à cause de la forte demande sur ce télescope et d'un début de spécialisation qui, s'il était poursuivi trop loin, empêcherait le transfert de certains programmes des 2m vers les 4m et par là-même ne libèrerait pas le temps nécessaire aux programmes de longue durée. Le manque de perspective d'accès à un télescope de la classe 8m dans l'hémisphère Nord est également souligné. On ne saurait donc trop insister sur la nécessité d'un programme instrumental coordonné entre toutes les tailles de télescope.


LES INSTRUMENTS DISPONIBLES

En suivant la classification utilisée plus haut en fonction de la résolution spectrale, on aboutit à la liste suivante d'instruments disponibles dans les observatoires institutionnellement accessibles aux français dans l'hémisphère nord, et dans l'hémisphère sud (ESO) :


A. Dans les observatoires français Nord (100%, + 42.5% CFHT) ou Sud (26% ESO).

R 100000

Aurélie (1.52 OHP) Domaine spectral mono-observation restreint, détecteur en cours de modernisation.
Gecko (CFHT) Foyer Coudé, même limitation spectrale (pas de dispersion croisée disponible).
Fabry-Pérot (CFHT) Domaine très spécialisé.
FTS (CFHT) Domaine IR, sensibilité limitée.
CES (ESO 3.60m) Couplé par fibres au 3.60m. Télescope CAT (1.4m) fermé depuis 1998. Caméra longue focale en cours de construction. Domaine spectral mono-observation limité.

R 40000

Elodie (1.93 OHP) Domaine spectral étendu. Quelques limitations dans la précision spectrophotométrique, mais bonne stabilité. Automatisation des observations et des réductions.
Musicos (2m Pic) Domaine spectral étendu. Mode polarimétrique.
AAA (Emilie) (1.52 OHP) En cours de développement (spectro dit "Connes") avec forte priorité nationale. Très grande stabilité, usage "standard" possible.
CFHT Aucun instrument équivalent (étude en cours d'Espadon).
CASPEC (ESO 3.60m) Spectro échelle standard. Bonne couverture spectrale mais manque relatif de sensibilité dans le bleu.
EMMI (ESO NTT) Mode Echelle dans un spectro plus général. 2000 pix.
FEROS (ESO 1.52m) Spectro Echelle, grand domaine spectral et excellente efficacité, en cours de construction (fin 98). 1/2 télescope usage Eso.

R 1000

Carelec (1.93 OHP) Spectrographe longue-fente (5'). En voie d'équipement d'un CCD de grand format (512 pix. actuels).
Isard (2m Pic) Spectro-imageur. Mode MOS en cours d'achèvement (1000px).
MOS/SIS (CFHT) Spectro-imageur, MOS, visible et proche IR , avec option haute-résolution angulaire. Bonne efficacité (2000 pix).
EFOSC II (ESO 3.60m) Spectro-imageur standard. Mode polarisation disponible.(2000 pix.).
EMMI (ESO NTT) Spectro-imageur standard, voies rouge et bleu simultanées (2000 pix. dans chaque voie).
DFOSC (ESO 1.54D) Spectro-imageur standard ; 1/2 télescope usage Eso.
B&C (ESO 1.52) Spectro longue fente, avec détecteur de 2000 pixels. 1/2 télescope usage Eso.

R 10 (Imagerie)

Tous les sites sont équipés de caméras CCD. Les caméras proche-IR sont encore peu répandues, et de petit format (sauf NTT, et CFHT en cours) Voir les tableaux. Le CFHT et le 3.60m Eso seuls disposent d'une caméra à 10 microns.



B. Dans les observatoires Européens Nord

Ceux-ci sont accessibles ponctuellement sur la base du mérite des programmes scientifiques, souvent en passant par une collaboration avec des ayant-droits locaux, mais ne le sont en général pas sur une base systématique et institutionnelle. L'esprit de cette étude est de rechercher les grands observatoires européens dont l'instrumentation est suffisamment développée pour pouvoir servir de comparaison avec nos observatoires nationaux, rechercher éventuellement des échanges et amorcer une coopération pour des développements coordonnés dans le futur.

Les observatoires pris en compte sont ceux d'Asiago (Italie), de Calar Alto (germano-espagnol) et de La Palma aux Canaries (groupe Isaac Newton britannico-batave; NOT nordique; et Galiléo italien). S'y rajoute le télescope UKIRT a Hawaii.

Il serait possible de rajouter quelques autres "petits" observatoires, disposant en général d'un seul télescope, souvent plus petit que le diamètre moyen retenu dans cette étude, et souvent gérés au niveau local plutot que national (Gornergrat, Catane, Naples, 1m suisse, etc...). Pour ne pas allourdir cette étude, ils ne seront pas inclus dans un premier temps (à l'exception du 2m à Byurakan concerné par une opération conjointe franco--arménienne), mais seront inclus ultérieurement lorsque les grandes lignes d'une action possible auront été dégagées. Il conviendra également d'y rajouter le 6m russe, pour lequel les données fiables manquent actuellement.

Les instruments disponibles, ou en construction, apparaissent dans les différents tableaux joints. Le premier donne l'ensemble de l'instrumentation disponible pour les 4m et 2m européens dans le Nord. Le second compare plus spécifiquement les disponibilités nord et sud.

Quelques grandes lignes peuvent être notées, concernant aussi bien les 2m que les 4m :

Des besoins de photométrie absolue, quoique en quantité plus restreinte, sont actuellement non satisfaits. Enfin, la polarimétrie, technique difficile, mais émergente tant pour les besoins extragalactiques (AGN, radiogalaxies, jets) que stellaires pourrait justifier un effort spécifique, d'autant que des compétences existent à l'OPMT.


COUTS COMPARES, COOPERATION EUROPEENNE A COURT TERME

Les coûts de fonctionnement annuels consolidés (c.à.d. incluant les salaires) sont l'un des éléments utiles pour l'évaluation comparée et servent souvent de base de discussion dans la coopération européenne (en plus de la qualité des sites respectifs). Ceux disponibles sont présentés ci-dessous, avec une marge d'erreur non négligeable car ils ne recouvrent pas toujours exactement les mêmes éléments, ou sont difficiles à extraire de totaux plus vastes (OHP ou Eso). Ils ne comprennent en principe pas les coûts d'instrumentation nouvelle.

Les chiffres correspondent au budget prévisible 1998.

CFHT (3.60m) 20 MF/an 1/2 télescope
TBL (2m) 6.5 MF 1 télescope
OHP (2m,1.5m) 13 MF 2(+2) télescopes
NOT (2.5m) 5.5 MF (hors missions) 1 télescope
Isaac Newton Group (4m+2.5m+1m)
dont coût marginal pour le :
48 MF 3 télescopes
INT (2.5m) 5.8 MF
JKT (1m) 3.5 MF
ESO La Silla
(3.6m, NTT, SEST, 2.2m, 1.54D, 1/2 1.52)
+ bribes d'autres télescopes
70 MF (20 MDM) 6 télescopes

Plusieurs éléments intéressants se dégagent :

La comparaison directe de deux télescopes de taille différente ne peut évidemment pas se faire sans prendre en compte le diamètre du mirroir, donc la science spécifique faite avec chacun d'eux. Les études de Abt (1980) comme de Leverington (1997), utilisant le nombre d'articles et les taux de citations d'articles en provenance de télescopes de différentes tailles, ramenés au coût de fonctionnement annuel, avec toutes les incertitudes et biais susceptibles d'affecter ce genre d'étude, ne montrent qu'un faible avantage aux grands télescopes (avantage de 10% pour le nombre d'articles, et 30% pour le taux de citation, pour la classe 4m comparée à la classe 2m). Les éléments pour les télescopes de la classe 8m ne sont évidemment pas encore disponibles.

Dans ces conditions, si des choix doivent être faits, ils ne peuvent être que des choix de priorités scientifiques, entre les programmes menés sur tel ou tel télescope, mais non des choix dûs à une différence de qualité scientifique, ou de taille de télescope.

Ces problèmes et ces choix se présentent actuellement de la même facon à tous nos partenaires européens potentiels. Si, lorsqu'ont débuté les discussions sur des échanges de temps éventuels, on pouvait encore espérer des échanges informels, la situation a beaucoup évolué. Devant les pressions financières, plusieurs organismes s'apprêtent à fermer ou à "privatiser" à court terme de "petits" télescopes~: le 1m JKT à La Palma (avec une menace certaine sur le 2.5m également), certains télescopes à l'Eso.

Obtenir un accès régulier à ces télescopes ne peut se faire aujourd'hui qu'à prix coûtant. A l'échelle de quelques années, la demande prévisible pour d'autres télescopes est en décroissance également (2.2m Eso, NOT, 1.54 Danois), en partie à cause d'une instrumentation limitée. Plutôt que de "fermer" isolément tous les instruments de cette taille, parce que la pression sur chacun d'eux deviendrait trop faible, avec comme résultat un manque certain de moyens d'observation, il semblerait plus judicieux d'engager dès aujourd'hui une réflexion commune au niveau européen sur l'avenir de ces instruments, pour aboutir à une rationalisation globale, avec spécialisation, suivie d'un partage du temps et des coûts.

Les chiffres cités plus haut montrent que l'argument financier ne serait pas un obstacle, même si globalement tous les télescopes de cette taille et tous les sites ne sont pas équivalents et que certains peuvent avoir une durée de vie plus limitée que d'autres. L'amorce du processus passe d'abord par une volonté clairement affichée d'évoluer dans ce sens. Ensuite par une meilleure information sur les disponibilités respectives, que j'ai amorcée. Les atoûts français ne sont pas négligeables, mais les avancées ne seront substantielles que si chacun y met ce qu'il a de meilleur! Enfin, dans l'immédiat, une redéfinition des conditions d'emploi des 5% de temps international aux Canaries favoriserait certainement ces échanges.


BESOINS, FACTEURS DE PRESSION, SPECIALISATION

Les besoins à court terme (quelques années) peuvent être évalués grossièrement à la fois à partir des facteurs de pression actuels et à partir des programmes décrits ci-dessus. La pression moyenne sur les dernières années se situe aux environs de 3.5 pour le CFHT et entre 1 et 2 pour les télescopes de 1.5-2m jugés par le CFGT (pression = rapport entre le nombre de nuits demandées et le nombre de nuits disponibles). Une analyse plus fine montrerait des variations entre nouvelle lune et pleine lune selon les télescopes et l'équipement disponible, selon les périodes de l'année (périodes galactique ou extragalactique), mais n'est pas de première importance pour la discussion qui suit. Si la somme des demandes soumises au CFGT pour le 2m Bernard Lyot, et les télescopes de 193, 152 et 120 de l'OHP pendant les dernières années avait porté sur un seul télescope de la classe 2m, le facteur de pression aurait depassé 4 constamment, c.à.d. supérieur à celui du CFHT! (voir courbe --provisoire--).

Il reste, pour évaluer les besoins, à définir un facteur de pression raisonnable. Les réactions de la communauté à propos du CFHT montrent clairement qu'un facteur de pression de l'ordre de 3 ou plus ne permet pas de satisfaire une fraction suffisante des programmes scientifiques valables. Compte-tenu de la (faible) fraction de demandes de peu de valeur, on peut alors estimer un facteur de pression satisfaisant à environ 2, l'idéal étant évidemment de se rapprocher de 1 après écremage par un comité des programmes sélectif et objectif. Dans ces conditions , au vu des demandes actuellement en cours, un minimum de deux télescopes de la classe 2m est indispensable.

Si l'on considère maintenant les programmes de longue haleine présentés lors de cette enquête, les programmes de sismologie stellaire et de recherche d'exoplanètes à eux seuls demandent plus de 300 nuits spectroscopiques par an, et environ une centaine de photométrie. En y rajoutant les autres demandes (stellaire, extragalactique proche) et les programmes actuellement en cours, l'estimation aboutit donc à un besoin minimal de trois télescopes de la classe 2m, dont une partie dédiée à des programmes de longue haleine. On peut estimer la répartition raisonnable entre ces programmes longs et les programmes plus standards à environ 2/3-1/3.

Ceci ne préjuge pas du choix des télescopes et sites à utiliser, qui depend de l'équipement disponible (ou en construction), de la qualité du site, des nécessités de couverture du ciel (soit en longitude pour les programmes de variabilité, soit en latitude pour les suivis de relevés spatiaux couvrant tout le ciel), et des évolutions prévisibles à moyen terme, coordonnées au niveau européenne. L'évolution en cours au CFHT, avec une spécialisation s'accentuant vers l'imagerie grand-champ et la haute résolution angulaire, n'est actuellement pas propice à l'accueil de plusieurs programmes spectroscopiques de longue haleine et rend difficile le transfert de programmes des 2m vers les 4m sans changement de politique et développements instrumentaux nouveaux. Pour le futur immédiat (quelques années), ces programmes devront donc utiliser les télescopes moyens existants avec un équipement approprié.

Si, par exemple, les programmes d'astrosismologie pourraient se faire tout aussi bien au sud qu'au nord, la couverture demandée en longitude et les collaborations actuellement possibles (Mexique, Chine, etc...) imposent quasiment un choix au Nord. Il semble alors clair que l'arrivée imminente du spectrographe Emilie au 152 de l'OHP devrait s'accompagner d'une spécialisation de ce télescope pour les programmes d'astrosismologie et de recherche de planètes extrasolaires pour lesquels l'instrument a été conçu. Une fraction du temps resterait utilisable pour les travaux à haute-résolution spectrale avec Aurélie rénové.

Les programmes stellaires autres que sismologie ou planètes extrasolaires pourraient alors bénéficier d'une large fraction du temps "clair" sur les deux télescopes de 2m, avec les spectrographes à dispersion croisée actuels, ainsi que sur le 1.5m Eso, en attendant un instrument similaire éventuellement au CHFT.

La réalisation de ce dernier impliquerait alors une redéfinition de l'instrumentation de pleine lune sur les 2m, par ex. au profit de la spectroscopie IR.

Les programmes "extragalactique proche" ne peuvent être concentrés sur un seul télescope, à cause des équipements disponibles et des propriétés des sites respectifs. Ainsi, l'absence actuelle de spectrographe sur le télescope de 2.2m à La Silla ne permet pas d'y rediriger ces programmes, les télescopes de 1.5m étant trop petits pour beaucoup de programmes extragalactiques. Dans cette période transitoire, où la pression sur le CFHT est extrèmement élevée, la spectroscopie de galaxies (par ex. les grands échantillons d'objets détectés par les moyens spatiaux, ou les échantillons de réference locaux) devrait se partager utilement entre le mode longue-fente au 193 de l'OHP et le mode spectro-imagerie au TBL, ce dernier fournissant également les compléments de photométrie absolue.

Il apparait donc que, pour le court terme, les choix instrumentaux et spécialisations judicieusement effectuées récemment sur les 2m (excepté l'impasse IR) permettent de satisfaire les besoins émergents des différents programmes cités, moyennant une attribution du temps d'observation plus spécifique. Cependant, jusqu'à la mise en service complète du VLT, la définition du futur du CFHT, et la réalisation des premiers échanges européens, il importe de conserver une fraction de temps d'usage général, distribué de façon équitable au niveau national et en-dehors des programmes particuliers.


EVOLUTION A MOYEN TERME ET LONG TERME

L'évolution à moyen terme (au-delà de 5 ans) va être dominée par la complétion du VLT, de son mode interférométrique en particulier, et l'émergence d'autres télescopes de taille similaire. Des craintes s'expriment de voir ces instruments sous-exploités. Si l'on considère le facteur de pression actuel très fort sur le CFHT, qui ira encore en s'accentuant avec l'arrivée des instruments spécialisés gros consommateurs de temps de télescope (Megacam en particulier), ces craintes semblent peu fondées~: le transfert s'effectuera de façon privilégiée des 4m vers les 8m, et non des 2m directement vers les gros instruments. Les programmes recensés ci-dessus ne sont pas adaptés aux 8m, et les équipes proposantes très motivées pour les réaliser. L'évolution des 2m semble donc liée plutôt à celle des 4m, selon que certains programmes pourront ou non s'y transférer.

Dans le cas de l'Eso, la situation n'est pas figée, mais les perspectives semblent claires~: l'existence de deux télescopes de 3.5m à La Silla permet d'y envisager un transfert de programmes de longue haleine, et éventuellement de réduire la diversité des 2m offerts. Ces évolutions seront discutées prochainement. Il faut noter que, dans cette hypothèse, ces 2m pourraient devenir disponibles et être "loués" à des prix très compétitifs (de l'ordre de 1MF par an, hors maintenance) et pourraient intéresser certaines équipes françaises pour des programmes longs dans un site d'excellente qualité.

La situation française dans l'hémisphère nord est plus complexe. Il doit être clair que si aucune solution alternative n'est mise en oeuvre, une nouvelle génération d'instruments devra être developpée pour que nos télescopes restent compétitifs et que les différents programmes puissent être menés à terme.

En pratique, le futur dépend beaucoup des choix faits pour le CFHT. La panoplie instrumentale actuelle de ce dernier, et les facteurs de pression observés, ne permettent pas un transfert général des programmes actuellement menés sur les 2m. Son indisponibilité future éventuelle, dans l'hypothèse raisonnable où il serait remplacé à long terme par un télescope de très grande taille, serait d'ailleurs difficilement supportable, au vu de la pression actuelle, surtout si elle était liée à une décroissance des possibilités sur les 2m. Mais par ailleurs, les exigences modernes de qualité de site, et l'évolution des technologies ne permettent pas de recommander un développement d'envergure avec les télescopes actuels dans les sites nationaux. De plus, la dispersion de nos moyens dans différents sites est un facteur de surcoût qu'il conviendrait de circonscrire à long terme. Il faudrait donc envisager une redistribution des moyens tenant compte de tous ces élements.

La solution à moyen terme réside probablement dans une coopération et une coordination accrue au niveau européen. D'abord, en décidant d'un commun accord des spécialisations éventuelles, assorties d'échanges de temps, (et, si nécessaire, d'une décroissance du nombre) des différents télescopes "moyens" actuellement en service.

Ensuite, en concentrant les moyens principaux dans quelques sites de qualité reconnue comme exceptionnelle, et, si possible, déjà équipés. En ce sens, une implantation française à LaPalma semble incontournable à terme, ce site représentant actuellement l'amorce d'un observatoire européen dans l'hémisphère nord.

Cette implantation implique cependant une mise de fond de départ, qui ne serait pas illogique au vu de notre présence à Tenerife, même si elle parait plus difficile dans la conjoncture présente.

Dans l'hypothèse basse, cette implantation pourrait prendre la forme de contributions instrumentales et/ou de partage de frais avec les partenaires déjà implantés et les mieux disposés à moyen terme (NOT, Galileo, et dans ce cas, Grantecan). Cette solution serait à préférer si nous conservons le 3.6m CFHT actuel.

Elle devrait prendre une forme plus ambitieuse dans l'hypothèse de la construction d'un grand télescope à l'emplacement du CFHT, avec la construction d'un nouveau télescope de taille intermédiaire (2.5-3m), qui remplacerait une grande partie de nos moyens nord de taille "moyenne", et permettrait, par une instrumentation limitée mais performante (spectro-imageurs visible et IR, spectro-échelle, par ex.), une coordination et des échanges de temps efficaces avec les autres partenaires présents sur le site. Elle pourrait impliquer d'autres partenaires potentiels (Belgique, Grèce, Portugal, etc...) et relancerait une vocation méditéranéenne de la France, un peu oubliée. Elle pourrait également procéder d'une construction en série dans le cadre d'une coopération multilatérale et de réseaux de télescopes.

Ces questions dépassent l'échelle de 5 ans impartie à la prospective. Mais, outre qu'une prospective doit, par définition, également envisager le long terme, les échelles de temps en jeu ( 10 ans) impliquent que la réflexion soit menée dès aujourd'hui et les grandes lignes définies le plus vite possible.

Une solution de ce type, cohérente sur l'ensemble des moyens optique-IR au sol, alliant les différentes échelles de temps et menée en concertation européenne, me paraît seule susceptible de préserver notre compétitivité scientifique, de faire accepter les évolutions nécessaires et de dynamiser les équipes techniques impliquées.


CONCLUSION ET SYNTHESE

La variété et la qualité des programmes proposés, et la motivation des équipes concernées, n'autorisent pas la remise en cause de l'utilité des télescopes de taille moyenne à échéance prévisible.

Les évolutions instrumentales récentes ou en cours, sur les télescopes en service, permettent la mise en route, dans les prochaines années, de beaucoup des programmes recensés, moyennant un recentrage partiel des attributions de temps d'observation vers les programmes de longue haleine. Le manque de spectrographes IR reste cependant préoccupant. Les besoins pourraient être couverts par un ensemble de deux à trois télescopes de cette taille dans l'hémisphère nord, certains spécialisés, et les instruments restants à La Silla.

L'évolution à moyen terme est intimement liée aux choix faits sur les télescopes plus grands (4m), en particulier au CFHT. Il est donc suggéré que la politique instrumentale française soit définie de façon globale au niveau national, et non par des instances indépendantes dans chaque observatoire. De plus, des appels d'offre pourraient être lancés par l'INSU dans le cas de manques clairement identifiés, en plus des propositions venues des laboratoires.

Une politique réaliste des équipements de taille moyenne, au-delà de quelques années, gagnerait à être effectuée en concertation européenne. Elle seule permettrait une spécialisation et une rationalisation des moyens, ainsi qu'une utilisation privilégiée des meilleurs sites, avec partage des moyens d'observation. Ceci concerne aussi bien le nord que le sud.

Une prospective à long terme (au-delà des 5 ans) devrait favoriser les développements dans les meilleurs sites d'observation. Elle justifierait un investissement plus poussé dans ces sites dès que possible, en particulier à La Palma. Sa forme dépend des choix qui seront faits pour le futur du CFHT.


DISPONIBILITES



NORD
SUD
(ESO)

R ~ 100000
CFHT Gecko
(Pas de dispersion croisée)
3.60 + CES
(CAT fermé)
OHP Aurélie
(à moderniser)
+ WHT (F.P.)
2.2m Calar Alto (F.P.)
Byurakan (F.P.)

R ~ 40000
4m : Rien!! Espadon? 3.60 + CASPEC
NTT + EMMI
+ Galileo (à venir) WHT (Utrecht, dépassé)
2m :
OHP Elodie
Emilie (à venir)
1.52m + FEROS
(fin 1998)
Pic Musicos
+ Calar Alto
Asiago

R ~ 1000
CFHT MOS/SIS 3.60m + EFOSC II
NTT + EMMI
+ WHT
Calar Alto
Galiléo
OHP Longue fente (Carelec) (1/2) 1.54m Danois DFOS
(1/2) 1.52m ESO B et C
Pic Isard
+ NOT
(INT)
Asiago
(Byurakan)
Note : Multi-objets partout sauf à l'OHP. Intégral de champ : seulement CFHT (+WHT). Grand-champ multifibre : nulle part! (sauf AAT + 2dF)

Spectro IR
CFHT Partiel (OSIS + FTS) NTT + SOFI

Ailleurs: UKIRT, et Galiléo à venir. Equiper un 2m!

Imagerie
Caméras CCD partout.
Mais photométrie absolue et haute-résolution très limitée sur les 2m nationaux.
Développer l'IR.



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