L'OHP après Arcachon
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L'OHP après Arcachon

Jean-Pierre Sivan


Ce texte est paru dans le Journal des Astronomes Français No. 60, pages 17-19

On a beaucoup parlé ces dernières années des petits télescopes. Michel Denneteld a écrit à leur sujet un rapport très complet et ils ont fait l'objet de discussions approfondies au cours du colloque de prospective d'Arcachon de mars 1998. Les conclusions de ce colloque (Lettre de 1'1NSU n° 36) soulignent l'utilité des télescopes de la classe de 2 mètres notamment pour des programmes de physique stellaire et galactique et de planétologie, qui ne nécessitent pas de grands collecteurs mais ont besoin de beaucoup de temps d'observation. Ces conclusions, prenant en compte des contraintes essentiellement budgétaires, énoncent pour les télescopes nationaux les quatre recommandations suivantes:

Où en sont les télescopes de l'Observatoire de Haute Provence (OHP) près de deux ans après le colloque d'Arcachon ? Comment se situent-ils par rapport à ces recommandations ? Quelles sont les perspectives d'avenir ?

La spécialisation des télescopes de 1'OHP

Bien avant la réunion d'Arcachon, la spécialisation des télescopes de l'OHP était effective (elle date d'au moins dix ans): un seul foyer en service sur tous les télescopes et un seul instrument focal, à l'exception du 193 pour lequel deux spectrographes (ELODIE et CARELEC) permettent de satisfaire en altemance les besoins des étoiles et des galaxies.

Cette spécialisation, toutefois, n'exclut pas la possibilité d'installer au foyer des télescopes de l'OHP des instruments d'équipe (GHASP, Photomètre "Chevreton", Aecéléromètre Absolu) ou d'y essayer des instruments destinés à d'autres observatoires (comme ce fut récemment le cas de PYTHEAS et d'OASIS). Cette souplesse doit être conservée.

Les programmes-clés à l'OHP

Nous entendons par "programme-clé" un programme demandant plusieurs années d'observations et plusieurs périodes d'observation par an. On peut constater qu'à l'OHP de tels programmes s'étaient mis en place, avec le soutien du Conseil Français des Grands Télescopes (CFGT), bien avant le colloque de prospective de 1998. Le principal "programme-clé" est celui, franco-suisse, de la recherche de planètes extra-solaires, qui se situe dans le prolongement de la découverte en 1995 à l'OHP de la première d'entre elles (51 Peg B) par M. Mayor et D. Queloz.

D'autres programmes de ce type sont à citer, comme celui de l'étude statistique de la binarité des naines M du voisinage solaire qui commence à donner de remarquables résultats ou celui de la préparation des observations du satellite COROT.

À ces programmes, il fàut rattacher des programmes d'un type nouveau destinés à la surveillance d'une même étoile à raison, par exemple, d'un spectre par nuit pendant plusieurs semaines ou d'un spectre tous les deux ou trois mois pendant plusieurs semestres.

Malgré les difficultés de programmation induites, nous nous efforçons de répondre aussi à ce type de demande.

Les observations de service à l'OHP

Par "observations de service", il faut entendre des observations faites, en l'absence de l'astronome qui les a suscitées, par les techniciens de nuit. Comme dans les deux cas précédents, on peut dire que l'OHP avait anticipé les conclusions du colloque d'Arcachon. Sans qu'elles fussent explicitement tenues pour telles, des observations de service se pratiquaient déjà avec le spectrographe AURELIE du 152 et la caméra CCD du 120. À l'issue du colloque d'Arcachon, notre volonté a été de les développer davantage, en priorité sur ces deux instruments.

Actuellement, les observations de service concernent environ la moitié des observations faites avec AURELIE au 152 et avec la caméra CCD du 120. Elles sont réalisées par les techniciens de nuit, éventuellement en liaison (via le téléphone et/ou Internet) avec l'astronome concerné. Le bilan est très satisfaisant, conséquence de la qualité et de l'expérience des personnels de nuit, et de l'excellente préparation des programmes par les demandeurs.

Cette pratique a évidemment des limites: elle s'accommode mal de programmes délicats nécessitant d'être redéfinis par l'astronome lui-même en temps réel en fonction des résultats obtenus. Elle n'est pas très bien adaptée non plus à des instruments complexes comme ELODIE ou CARELEC. Toutefois, avec ELODIE, nous commençons à répondre à la demande, notamment en ce qui concerne les surveillances d'étoiles à des fréquences régulières sur de longues périodes décrites précédemment.

Enfin, nous souhaiterions pouvoir répondre à des demandes d'observations ponctuelles et urgentes {hors programmation), suscitées par exemple par des résultats spatiaux, ou destinées à tester rapidement la faisabilité d'un programme, etc.

Le ticket modérateur et l'OHP

L'instauration d'un "ticket modérateur" pour l'accès aux télescopes nationaux, a été effective au 2e semestre 1999. C'est là, certainement, le plus grand changement intervenu à l'issu du colloque d'Arcachon. La première conséquence a été, à l'OHP, de priver le 120 de reconnaissance nationale. Malgré cela, et parce qu'il demeure un des rares moyens d'imagerie disponible dans l'hémisphère nord, la demande sur le 120 ne s'est pas tarie, mais la programmation, en l'absence d'évaluation par des comités d'experts, demande à être améliorée.

À l'inverse, pour le 193 et le 152, pas moins de cinq structures (PNP, PNC, PCMI, ASPS, GdR Galaxies) procèdent désormais, de façon indépendante, à l'évaluation des demandes. Cela engendre ‹autre conséquence du nouveau système‹ une grande lourdeur du processus de sélection et de programmation des télescopes. C'est le prix à payer pour la transparence et la "vérité des coûts"!

Autant que l'on en puisse déjà juger, le ticket modérateur ne dissuade pas les demandeurs français ni étrangers et les différentes structures citées plus haut accomplissent un remarquable travail d'évaluation.

La formation et l'initiation à l'observation à l'OHP

Egalement chaque année, les télescopes de l'OHP (80, 120 et 152) sont mis à la disposition des étudiants des principaux DEA d'astrophysique de notre pays pour des stages d'initiation à l'observation astronomique. Les responsables de ces DEA accordent une grande importance à ces stages. Aux étudiants français s'ajoutent chaque année ceux de l'école européenne de géophysique ERCA, ceux de University College (Londres) et bientôt ceux de l'Institut d'Astrophysique de Tübingen.

Nous entendons continuer à jouer ce rôle irremplaçable dans la formation des étudiants français et européens.

Les atouts de l'OHP

Une enquête réalisée fin l997 par le Comité des Utilisateurs de l'OHP avait mis en relief les atouts de cet observatoire:


Nous nous efforcerons de faire en sorte que ces atouts demeurent (encore que nous n'ayons que peu d'emprise sur le premier !).

Nous pensons qu'à cette liste doit s'ajouter:


L'observation à l'OHP en l'an 2000 et après ...

C'est enfin le cas du spectrographe AURELIE au 152 qui en février 2000 offrira aux utilisateurs un nouveau détecteur, un CCD EEV I K x 2K identique à celui de CARELEC, qui perrnettra de reculer d'au moins 2 magnitudes les lirnites de cet instrument (évaluation en cours) et de lui ouvrir ainsi un champ nouveau d'applications.
Le renouvellement de l'instrumentation focale est un de nos soucis majeurs. Le Comité des Utilisateurs de 1'OHP et les structures d'évaluation citées plus haut ont un rôle à jouer dans ce domaine. Actuellement 1'ASPS s'en préoccupe à travers le forum de réfiexion sur l'instrumentation qu'elle organise.

Un deuxième souci est celui du renouvellement du personnel. Depuis une dizaine d'années, le personnel ITA de l'OHP est en régulière diminution. Celle-ci a été particulièrement marquée (30 à 40%) pour les effectifs affectés aux coupoles. On aboutit à la situation paradoxale suivante: c'est au moment où l'on demande plus aux techniciens de nuit (observations de service) que leur nombre diminue d'un tiers !

En attendant, on se réjouira que le nombre de publications basées sur des observations faites à l'OHP ne cesse de croître (65 publications en 1998 dans des revues à comité de lecture, soit deux fois plus qu'il y a cinq ans) pour un coût consolidé qui diminue (en I 997 il était trois fois plus faible que celui du CFHT).

L'OHP n'est plus uniquement l'observatoire de mission qu'il fut naguère. Ses activités ne cessent de se diversifier et sa participation à de grands projets astronomiques internationaux ira en s'accentuant. Cette évolution très importante n'occultera pas cependant la volonté de répondre à la demande des observateurs en essayant de leur offrir une même qualité de services, pour un coût notablement réduit en fonctionnement et en personnel.


13.01.2000