Lettre de l'OHP - No.14

Recherche de compagnons substellaires en orbite autour des étoiles du voisinage solaire

Michel Mayor et Didier Queloz
Observatoire de Genève

A l'exception des objets découverts en orbite autour de pulsars, il n'existe à ce jour aucune preuve directe de systèmes binaires tels que le compagnon ait une masse substellaire (m2 < 0.08 M0). Par contre, l'étude des vitesses radiales stellaires a permis de détecter plusieurs systèmes tels que m2 sin i < 0.08 M0. L'exemple le plus extrême est HD114762 (Latham et al. 1989, Nature 339, 38) où m2 sin i est égal à onze fois la masse de Jupiter.

Le mouvement de l'étoile primaire autour du centre de gravité du système est faible et impose un instrument optimisé dans ce but. Rappelons que le mouvement du Soleil, résultant de l'influence de Jupiter, n'a qu'une amplitude de 12 m/s sur une période de 11 ans. Aussi, autant les choix instrumentaux d' Elodie (fibres optiques, résolution spectrale, optique figée, calibration simultanée, instrument stabilisé en température, etc..) que le logiciel d'analyse ont été optimisés pour permettre une détection de très faibles variations de la vitesse radiale. L'analyse globale du spectre par corrélation numérique par l'utilisation simultanée de plus de 3000 raies sur les 3000 Å du domaine spectral permet une mesure précise et rapide des vitesses d'étoiles froides. L'analyse des premières mesures faites avec Elodie a montré qu'une précision instrumentale, de l'ordre 10 m/s (3/1000 de pixel) peut être atteinte. Par conséquent, compte tenu du bruit de photons, des vitesses radiales à la précision de 15m/s sont accessibles en 30 minutes de pose pour des étoiles G et K jusqu'à des magnitudes 8 (cf. fig.1)

Elodie offre pour les systèmes à périodes inférieures à 3000 jours une forte probabilité de détection des compagnons substellaires de masses comprises entre 1 et 80 fois celle de Jupiter: un domaine particulièrement intéressant comprenant l'éventuelle masse limite de fragmentation, celui de la masse limite supérieure des planètes géantes (quelques Jupiters ?) et le domaine des naines brunes.

Des progrès significatifs dans ce domaine ne pourront se faire que si la taille de l'échantillon est suffisante pour permettre l'élimination statistique de l'effet d'orientation et pour permettre non seulement une détection mais aussi la détermination de la fonction des rapports de masses f(m2/m1) (pour 0.001 < m2 < 0.08). Les distributions orbitales f(e, m2/m1) et f(e,P) pour ce domaine de masses seront des contraintes importantes pour les scénarios de la formation stellaire et des planètes.

Seul un survey portant sur plusieurs centaines d'étoiles (et plusieurs années) est à même de répondre à ces questions (Marcy 1994 in ESO Workshop, "The Bottom of the Main Sequence", ed. Tinney T.G.). Notre échantillon est formé de quelques 100 étoiles sélectionnées sur la base des surveys CORAVEL (Vr constantes sur plus de 10 ans avec la précision de 200-300 m/s) (Duquennoy, Mayor 1991, A&A 248, 485). Le programme a démarré en début 1994 et devrait se prolonger sur 3 ans. Comparé aux efforts similaires effectués essentiellement aux Etats-Unis (Marcy, McMillan, Cochrane) l'apport d'Elodie dans ce domaine est tout à fait compétitif.

Figure 1. Vitesses radiales obtenues avec Elodie durant l'année 1994 pour l'étoile HD109358. L'histogramme des vitesses observées (trait plein) est comparé avec celui attendu (pointillés) si l'erreur de mesure est de 15 m/s.


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